Nouveau domicile (libre)

Cyclops était accroupi dans sa chambre luxueuse. Le décor était faste, tout de dorures et d'ornementations. Dans la psyché aussi haute que lui, se reflétait un tableau de nymphes courant nues dans une prairie. Ce n'était tellement pas lui. Même la commode en acajou qui contenait son armure sacrée le rebutait - pourtant, l'armure avait toujours irradié la sainteté aux yeux de son digne usager - si bien qu'il la renvoya sur le plan mystique.

La chambre était pour deux, ill y avait dans la pièce un second lit : c'était la seule chose qui constituait un retour en arrière niveau confort. Il n'avait pas fait chambre commune depuis sa première semaine dans la cité troglodyte des Mutants. Et avant cela, il fallait chercher dans ses jours à l'orphelinat, avant son adoption par les Masters.
Tout le reste, dans cette salle oppressivement sophistiquée et aristocratique, était justement sophistiqué et aristocratique. Tout donc, pour déplaire à un jeune homme partisan d'une vie ascétique. Le jeune Mutant détestait ce lieu. Pas seulement la pièce dans laquelle il se tenait accroupi, adossé au lit-nacelle d'acajou. Tout le manoir lui était antipathique.

Comme la plupart des autres il avait suivi Magneto pour sauver sa peau et éviter l'arrestation. Sauf que M. Creed a découvert quelque chose. Une chose que même le PDG d'Avalon Corp ignorait. Magneto croyait avoir une longueur d'avance sur le Directeur de l'Institut, sachant qui il était et quels étaient ses pouvoirs. Il n'en savait pas la moitié. Hyperion. Wanda. Cal avait vu en songe que ça allait être le boxon. Et ça avait failli coûter plus que la réputation de Cyke. Un soi-disant meilleur ami, tiens.

Il se demanda un instant où pouvait être Cal, le Mimic. Avait-il fui? N'aurait-il pas eu la prétention de penser qu'il pouvait prendre tout le SHIELD ou mourir en héros ? Cyclops ne savait plus bien, si Calvin aurait été capable de se vendre aux vaches.

Il invoqua la gemme de Cytorraq, ce qui lui coûta beaucoup de ses forces. Ses genoux se déplièrent à son insu, et il se retrouva le visage contre terre, vidé de son énergie. Le joyau brillait faiblement sur le sol tapissé. Il étendit la main, ce qui dans son mouvement, lui fit basculer la tête en pivotant la moitié de la colonne vertébrale. Tordu par terre, ridicule mais sans public, Cyclops sentit le contact froid au bout de son auriculaire. Il tenta de former un poing, mais sa main se referma sur du vide, avec en outre ce froid toucher qui lui traversait les doigts. Immatérielle, la gemme avait cette brillance terne, il pouvait presque la dessiner au coin de l'œil. Tout cet effort pour saisir de l'immatériel.

Il en était sûr maintenant, la gemme qu'il avait reçu en songe n'était qu'une abstraction de la vraie réalité du joyau. Il espérait simplement qu'une version bien concrète existait toujours, et qu'il pourrait très vite entrer en sa possession.

Mais hélas, il était toujours cloitré dans ce faux château européen. Au début, il s'était imaginé la tête du mythique Nick Fury - existait-il vraiment, cet être vaporeux des histoires d'agents et de soldats ? - en découvrant une cité entière, vidée de ses habitants. Sous New York, les Morlocks avaient pullulé depuis des années sous la protection occulte de Magneto, secrètement Président du groupe Avalon, homme d'affaires.

Le Conseil dissout, Magneto n'avait plus que cure d'un cercle d'anciens et d'orateurs, quand ceux-ci ignoraient tout ce qui se passait hors de leur cité d'hommes, de femmes et d'enfants Mutants, de terroristes. C'était bel et bien lui qui tirait les ficelles de la Confrérie, et désormais il n'était plus de rigueur de se voiler aux yeux de ses fidèles. Le nouveau Roi Noir maintenant, était là pour mener son peuple. Même dans les recoins d'un manoir égaré dans la concupiscence du lucre.

C'était son argent et la libéralité dans laquelle il avait financé l'école de Charles Xavier - pardon, David Xavier - qu'il avait été découvert par le SHIELD. Il était donc naturel que ce soit dans un dernier usage de ce patrimoine financier que Magneto devint le Roi Noir, afin de protéger son peuple contre l'enfer de Guantanamo, ou pire, des exécutions.