5 Mars 2007
James, étendu dans un lit miteux d'un hôtel miteux qui ne propose que des chambres insalubres, regarde le ventilateur tourner avec irrégularité au plafonnier. Les trois pales noir sale lui rappellent un symbole qu'il a vu pour la première fois en 42 après trois mois de mise en fonction. Il apprit quelques mois plus tard que trois ans plus tôt, le président Roosevelt avait reçu un rapport affirmant que les scientifiques Nazi menaient des recherches très avancées sur une nouvelle arme appelée la Bombe Atomique. L'avancée de l'énergie nucléaire en Allemagne atteignait un point culminant en 1942 quand Captain America fut envoyé sur une base excentrée combattre une colonie tenace de soldats Allemands suivi d'un rapatriement fort rapide. A l'époque, personne ne posait trop de questions sur la raison d'être d'une telle mission. James Buchanan Barnes alias Bucky avait pour objectif prioritaire de quitter l'affrontement discrètement pour enlever un atomiste allemand prêt à coopérer avec le gouvernement Américain. L'homme avait vendu la localisation de sa base et la vie de tout le personnel scientifique et militaire pour des raisons personnelles. En d'autres termes, les origines de ses proches n'avaient pas le vent en poupe dans l'Allemagne de la seconde guerre mondiale. Les documents étaient frappés du fameux symbole à triple hélice qui battirait la paranoïa dans les deux décennies qui suivraient.
Le soldat Barnes n'avait pas à considérer le résultat de ses actions. Il faisait ce pour quoi il avait été entraîné, ce qu'il aimait par-dessus tout. Il servait son pays aux côtés de l'idole Captain America. Sa mort et sa résurrection l'ont rendu plus cynique. L'apparition mystérieuse qu'il a vu lui redonner la vie lui a donné le répit nécessaire, le repos du guerrier. Bucky était mort, mais James avait encore des cartes à jouer. Il a pansé ses blessures, s'est construit plusieurs identités au fil de sa vie au Groënland, en Argentine et au Panama. Il a commencé à voir le résultat de ce qu'il avait fait. Le nombre de morts de cette guerre, la part qu'il y a tenu. Le monde est une guerre à lui tout seul. Et Bucky Barnes est un soldat. Il se faisait payer régulièrement pour des boulots de nettoyage à main armée. Ce n'était pas suffisant. L'atome, la grande victoire des Américains devenait une idée fixe pour le monde entier. La guerre n'était pas finie. James fit jouer ses nouveaux contacts pour trouver ceux de qui ils avaient le plus peur sur le sol américain. La force d'intervention Arme-X était taillée pour lui. Cuba, la Russie, l'Afghanistan, le Viet-Nam, les Balkans... Toute une vie plus tard, il quitte le programme devenu trop dépendant de son talent. James est un homme de l'ombre. Cela fait maintenant six mois qu'il se fait payer à droite et à gauche pour faire ce qu'il aurait fait de toute manière. Le meurtre est une activité grisante. Comme la fois où il a mis une balle dans la tête à un physicien allemand. Il y a soixante-cinq ans. Son premier meurtre, après seulement trois ans de Bucky dans les pattes. Puis il l'a traîné sur le champ de bataille et fusillé lui-même pour faire croire aux erreurs de la guerre, après avoir récupéré les documents. Einstein saurait quoi en faire. Et malheureusement, Roosevelt aussi. Nagasaki. Hiroshima. Il n'y a pas assisté, mais il sait au fond de lui que c'est parce qu'il a bien fait son travail que cela est arrivé. Ça coupe les pattes, non? Parce qu'il ne l'a pas assez bousillé, ces meurtres de masse sont arrivés. Ça vous bouleverse un homme. Il sait depuis lors qu'il aurait du en tuer plus. La Bombe, c'est la mort du métier.
Il n'aurait pas dû regarder ce bon Dieu de reportage sur Banner, l'atomiste fugitif. Ça vous monte à la tête, ces conneries là quand on a du vécu comme ça. Paraît qu'il a été vu dans un hôtel proche d'ici. Tout à fait le genre de lieux où on pourrait le trouver ; rien à dire, s'il le croise, Buck sait qu'il va le flinguer. La science atomique, pas son secteur préféré. Il sait que l'armée veut le récupérer vivant. Ce qui signifie que ce sera meilleur de le savoir mort. Skourge n'est pas un génie, il n'a que faire des informations à lui tirer. Il ne saurait pas quoi en faire. Impossible pour lui d'en retenir plus d'une ligne, c'est du charabia. Il a déjà essayé, et c'était sûrement plus simple en 42.
Bon, il s'est décidé à faire un tour puisqu'il n'arrive pas à dormir. La télé, non merci. La radio, ce n'est plus ce que c'était non plus. Il a un disque de Sinatra qui tourne en boucle. D'origine. Ça lui a coûté la peau des os sur Ebay. Vive les comptes dans les îles Caïman. A propos, il manque de fric. Il va falloir accepter une offre d'emploi. Allez, peu importe. Faire un tour lui fera du bien. Il reviendra à sa liste de contrats possibles dans une heure, après la promenade.
Il ouvre les verroux, puis la porte grince alors qu'il l'ouvre prudemment. La clé de chambre fait trois tours dans la serrure pour protéger ses petits secrets et toutes les armes cachées dans sa piaule à trois dollars la nuit. Les marches grincent, il y en a une qui craque avec insistance quand James marche dessus.
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Mar 29 Juil - 17:43